Face aux banques totalement online, les grands acteurs s'organisent pour jouer les synergies on et off-line

Moments difficiles pour le brokerage online aux USA, la France encore épargnée

L'annonce faite par Deutsche Bank d'intégrer en ligne, dès ce premier avril, sa plate-forme de trading "Maxblue" dénote une volonté stratégique Internet d'envergure de la part de la banque allemande.

Ses ambitions affichées sont d'ailleurs pan-européennes.

Non seulement il s'agira, dans son nouveau concept, de faire tomber les barrières entre le on et le offline bancaire, mais également de construire une plate-forme multi-services intégrant tout autant le banking que le broking, l'épargne, l'investissement, l'assurance ou encore les prêts hypothécaires.

Deutsche Bank a donc décidé de frapper très fort dans le monde de la finance tous azimut et considère que pour atteindre le point d'équilibre dans cette nouvelle stratégie européenne, il ne lui faudra pas moins de 20 millions de clients et ce par rapport à un potentiel estimé de 60 millions.

Deutsche Bank espère donc à elle seule contrôler au minimum un tiers de ce marché européen !

Il est clair que toute la stratégie de Deutsche Bank consiste ici à marier au maximum non seulement les différents métiers de la finance mais également de profiter de son implantation off line pour offrir des services impossibles à fournir pour les banques uniquement online.

Deutsche Bank précise par ailleurs qu'un tiers de ses clients accèdent déjà à leurs comptes online.

Même son de cloche chez HypoVereinsbank, la seconde banque allemande qui indique une croissance de ses comptes online de 115% en 2000 soit actuellement 1,5 millions de comptes ouverts online.

HypoVereinsbank pense d'ailleurs que dans le futur, 80% de ses clients utiliseront à la fois ses services on et offline contre 10% aujourd'hui.

Pour 2005, la banque espère que 50% de ses clients géreront leurs opérations courantes uniquement online ou par téléphone.

Cette tendance en faveur de la mixité on/offline se retrouve de la même façon au Japon puisque la future banque online d'Ito-Yokado devrait enfin voir le jour au mois de mai prochain.

Initialement prévu au mois de mars dernier, ce report serait essentiellement dû au fait que cette nouvelle banque online offrira à ses clients la possibilité de gérer leurs opérations non seulement via le Net mais également depuis les distributeurs de billets. Ceci nécessite bien entendu un accord avec la majorité des banques en place, accord qui serait en vue moyennant quelques dernières discussions portant sur… les taux des commissions.

Enfin, Sony vient d'obtenir l'autorisation du ministère japonais des finances d'ouvrir sa propre banque online.

Sony Bank Corp. représentera un précédent au Japon puisqu'elle sera la première banque online japonaise non issue du secteur bancaire.

Sony détiendra 80% du capital de la nouvelle banque, Sakura Bank Ltd, 16% et J.P. Morgan Chase & Co, 4%.

Ces trois sociétés investiront initialement 305 millions de dollars dans la nouvelle banque.

Pratiquement, les clients de Sony Bank Corp. pourront déposer, retirer et transférer leurs fonds également offline via le réseau d'agences et de distributeurs de billets de Sakura Bank. Par contre la clientèle sera exclusivement japonaise dans cette première étape du projet.

Source : Deutsche Bank 24 - Sony

Dans nombre de secteurs eCommerce, le marché Internet américain a désormais atteint un tel niveau de maturité que l'on ne peut plus espérer y retrouver des taux de croissance à trois chiffres.

De plus, la plupart des nouveaux internautes ne représentent pas la frange la plus aisée de la population, celle-ci étant connectée depuis longtemps.

Cette moindre progression du marché, couplée aux perturbations boursières actuelles, est en train de peser lourdement sur les comptes des brokers online américains.

La réduction du nombre des transactions passées par les clients et un nombre de concurrents encore important sur le marché, sont donc autant de facteurs contre lesquels la seule solution s'appelle : réduction des effectifs et des coûts.

Chaque semaine nous apporte donc son lot d'annonces de licenciements massifs dans la profession. Après Ameritrade et TD Waterhouse, CFSB Direct va ainsi supprimer 10% de ses effectifs et même fermer son call-center du New Jersey.

Chez Schwab, c'est 3.400 employés qui se retrouvent à la rue soit 13% des effectifs du broker. Cette mesure s'étant d'ailleurs accompagnée de la réduction du salaire des 750 top executives de la société sans compter Charles Schwab lui même dont le salaire a été divisé par 2 !

Mais cette vague de coupes sombres montre surtout à mon avis que la crise n'est plus considérée comme étant seulement passagère et qu'il convient désormais pour les brokers online de se restructurer lourdement pour pouvoir continuer à vivre.

En effet, il convient ici de noter que le taux de croissance des ouvertures de comptes en 2000 aux USA n'a été que de 53%, à comparer aux 313% enregistrés en France pendant la même période. Vous ajoutez à cela que le nombre d'ordres exécutés par compte est passé, selon Barron's, à 2,9 sur les trois derniers mois contre 5 en 1999 et il n'y a plus à s'interroger sur l'origine des difficultés actuelles des brokers online américains.

Néanmoins, il conviendra à tous ces acteurs de manier le bistouri avec délicatesse car il ne s'agit pas non plus de diminuer la qualité du service client en bout de chaîne…

On peut aussi penser que lorsque des acteurs comme Schwab étaient allés jusqu'à embaucher 6.200 nouveaux employés, uniquement sur l'année 2000, c'est aussi parce qu'ils n'avaient pas été capables d'estimer correctement le potentiel de leur marché pour 2001.

Schwab et bien d'autres sont donc en train de payer chèrement aujourd'hui un excès d'optimisme inquiétant pour des professionnels… de l'économie.